jeudi 25 octobre 2018

Devenir grand frère

Bonjour à tous,

Devenir grand frère c'est accepté de perdre sa place de centre de l'univers... Un petit intrus entre du jour au lendemain dans le cercle familial et le grand frère se doit de devenir l'exemple.

Je me souviens très bien de l'annonce de ma grossesse, d'ailleurs comme si c'était hier... Comme dans mes habitudes étant très ordonnée et organisée, j'avais évidemment préparé et anticipé cette délicate et merveilleuse nouvelle. J'étais prête à lui communiquer le changement à venir, j'avais acheté un livre " L'imagerie des tout-petits, Attendre un bébé." La semaine avant Noël nous devions nous rendre aux différents marchés de Noël en Alsace, j'étais enceinte de 3 mois, mes formes commencées à se sculpter... Il était temps! Et nous voulions qu'il soit le premier à savoir parce qu'il était le Grand frère.

Donc voilà, pendant nos minis-vacances de Noël ça serait le bon moment... Durant le trajet, je me suis installée à l'arrière à ses côtés et je lui est sorti ce fameux livre, je lui ai lu en faisant référence à notre famille pendant que papa avait installé son téléphone pour nous filmer, enfin plutôt filmer la réaction de son fils! Et mince, il ne me croyait pas, enfin je pense qu'il ne voulait pas y croire et nous a dit que "non, il n'avait pas besoin de petit frère ou petite sœur."...Voilà c'est fait!
Puis petit à petit, il s'y est très vite intéressé durant le voyage, il a regardé de plus près chaque images du livre et les questions ont fusé... OUF! Nous l'avons laissé réagir à sa guise et chassez le naturel, il revient au galop, nous avons retrouvé notre petit curieux, extériorisé sur le monde... Le début de la nouvelle aventure!

Il était de mon rôle de le rassurer quant à l'amour que je portais et que je porterais pour mes enfants, au bonheur qu'il nous apportait mais d'un autre côté, je savais que la jalousie était normale et qu'elle l'aiderait à se construire en tant que grand frère, il devait apprendre à partager son amour, notre amour, son environnement et tout le reste....

Et puis, il a été très rapidement confronté à la séparation, lorsque à 25 SA j'ai été hospitalisé...En pleine nuit réveillée par une hémorragie, il a fallu l'embarquer avec nous à l’hôpital, le temps que l'on prévienne la famille pour venir le chercher, il a dû malheureusement faire face très tôt à un papa et une maman horrifiés, angoissés et apeurés de perdre leur bébé. J'ai été hospitalisé 1 semaine pour placenta inséré bas et on m'avait prévenu que les contractions pouvaient me provoquer des hémorragies ,première séparation très douloureuse avec mon premier bébé...

Ce bébé, n'était même pas encore né que Isaac devait déjà partager, partager sa maman devenue hyper stressée et mettre un terme à sa vie d'avant.

Est venu le temps de la deuxième séparation et pas de bol! Rentrée à la maternité un 1er juin après rupture de la poche des eaux et n'accoucher par déclenchement que 48h plus tard! 48h sans me voir (je souffrais de trop pour l'accueillir). Au téléphone, sans cesse les mêmes questions " Il est où mon frère?" "pourquoi, je ne peux pas venir?" "Il sera là quand?"..... Toutes ces interrogations trottant dans la tête d'un enfant de 4 ans.

Enfin, voilà le grand jour! La rencontre...ce moment tant attendu par tous parents et les yeux de tous qui pétillent, des bisous, des câlins, des compliments, une fierté qui se lisait sur son visage d'être le grand frère de ce petit bébé nommé Ruben (comme dans Pat'Patrouille, je vais le dire à tous mes copains), des photos, pleins de photos, des visites, pleins de visites et des cadeaux, quelques cadeaux ... (Maintenant, je sais qu'il est important de ne pas oublier l'aîné avec un petit cadeau car lui aussi est un super héros!) Le début de notre nouvelle vie!

J'ai très vite compris qu'il était important de le faire participer, il voulait m'aider, il voulait le prendre à bras, il voulait lui donner le biberon ou encore le rassurer en lui parlant tout bas lorsque Ruben pleurait.
Et finalement, ce bébé n'était pas drôle, il pleurait beaucoup de trop, il prenait beaucoup trop de place, il inquiétait toute la famille, les conversations ne tournaient plus qu'autour de lui... Enfin bref ce n'était pas le petit frère parfait imaginé pour un enfant de 4 ans!

Le point noir, c'était que maman n'avait pas prévu de livre ayant comme sujet "Comment devenir grand-frère, d'un petit frère malade?" pour le préparer à ce qui allait nous arriver.
Certes mais je savais une chose, qu'il ne fallait rien lui cacher, qu'importe ce que l'avenir nous réserverait, il avait le droit et l'obligation de savoir car il était le grand-frère, l'aîné, l'exemple!

Et à partir du 12 octobre 2017, les séparations se sont enchaînées...

Une vie qui bascule, des parents et une famille attristés, un petit frère hospitalisé et un Isaac ne comprenant pas tout ce qu'il se passait.
Nous avons fait au mieux, ce qui nous semblait être le meilleur pour lui. Son grand-père paternel est venu vivre à la maison le soir même de l'annonce car nous ne souhaitions pas qu'il manque l'école. Et avec son papa nous alternions les nuits à l’hôpital pour passer un peu de temps avec Isaac.
Puis il a fallu très vite lui expliquer avec les "bons" mots, les mots adaptés à son âge....Et à 4 ans la vie parait si simple.

" Isaac, papa et maman  t'aiment très fort mais on a découvert une maladie grave chez Ruben. Papa et maman devront beaucoup s'absenter à l'hôpital, papy sera toujours à la maison pour toi. Nous t'aimons autant que Ruben, vous êtes tous les 2 nos fils donc l'amour est pareil."
"il est malade comme moi, quand j'ai un rhume?"
"Non, mon amour c'est bien plus grave, si on ne le soigne pas, il peut monter au ciel"

Voilà, les toutes premières explications et j'ai su que tout aller être simple avec Isaac quand je l'ai regardé jouer dans la salle de jeux avec les différents enfants du service de pédiatrie du Centre Oscar Lambret. Pour nous tout était tellement difficile mais lui ne voyait aucunes différences et ne posait pas de questions concernant ces enfants très pâles, sans cheveux, portant une sonde naso-gastrique parfois extrêmement maigres ou encore avec des grosseurs sur le crâne. Tous ces signes significatifs de maladie grave pour nous adultes n'avaient aucune importance pour lui, j'étais tellement fière de lui et de son innocence.

Et puis le combat a continué....

  • Les visites au centre Oscar Lambret où il retrouvait à chaque fois son vélo préféré dans la salle de jeux.

"A ce moment là, il sait que Ruben a une boule dans le ventre, qui lui fait très mal et c'est pour cela qu'il n'a pas beaucoup faim et qu'il pleure beaucoup, le docteur va devoir lui enlever"

  • La rencontre avec le chirurgien pendant les vacances de la Toussaint, celui-ci nous a tout expliqué sur ordinateur et a même montré sur son écran "La boule dans le ventre de Ruben" à Isaac en lui expliquant qu'il allait lui retirer.
  • Suite à l'intervention il a connu la grande chambre avec tous les "bip bip" du service des soins continus pendant 2 semaines, chaque mardi soir il mangeait avec nous à l'hôpital comme le vendredi et les week-ends, il a ensuite connu le service de chirurgie la toute petite chambre avec beaucoup moins de "bip bip" pendant 1 semaine.
"A ce moment là, il sait que le docteur a enlevé la boule dans le ventre de Ruben et qu'à cause de ça il a une très grande cicatrice qu'il gardera toute sa vie. Et nous allons devoir aller à Lille où il y a les vélos dans la salle de jeux,  toutes les semaines pendant plusieurs mois car Ruben va avoir un médicament dans le cathéter pour tuer tous les petits morceaux de la grosse boule qui s'était éclatée dans le ventre"


  • Durant ses vacances scolaire, Isaac nous accompagnait au Centre Oscar Lambret pour les séances de chimiothérapie, le temps des injections, il quittait la chambre avec papa ou maman mais il savait que l'infirmière mettait les médicaments dans le cathéter et que cela n'était pas douloureux, si Ruben pleurait, c'était juste parce qu' il était fatigué ou alors il n'avait simplement pas envie.
"A ce moment là, il sait aussi qu'avant de recevoir les médicaments dans le cathéter, nous devons aller à l'hôpital de Douai 2 jour avant pour faire la prise de sang, l'infirmière va prendre du sang dans le cathéter ça ne fait pas mal et si le sang n'est pas bon, Ruben ne peut pas avoir ses médicaments et si le sang est bon il peut les recevoir."
  • Et comme pour Lille, nous l'emmenions avec nous à l'hôpital de proximité pour les bilans sanguin durant les vacances scolaire. Pour nous, il était important que Isaac soit familiarisé avec chacun des environnements où était suivi son petit frère . 
Je pense vraiment que de l'avoir fait participé à chaque étape de la maladie l'a beaucoup aidé à nous poser les bonnes questions et surtout à le rassurer.
Le matin avant le départ à l'école, il savait où nous allons passer la journée et pour quel type de traitement nous y allons (pansement, chimiothérapie, bilan sanguin). 

Si c'était à refaire, nous referions tout à l'identique concernant nos explications même si encore actuellement son papa et moi-même gardons un sentiment de culpabilité, car il n'y a rien de facile à se partager, surtout dans cette épreuve où nous étions auprès de lui physiquement mais très loin psychologiquement. Isaac a grandi, Isaac est très intelligent, Isaac parle beaucoup, Isaac pose encore beaucoup de questions,Isaac est un anxieux,  Isaac est très protecteur envers son frère mais Isaac est un enfant qui a continué à vivre au sein de son cercle familial débordant d'amour dans une épreuve douloureuse de la vie. Et vivre entouré d'amour ça n'a pas de prix!

Enfin je pense, qu'il n'y a aucune meilleure façon d'investir la fratrie dans la maladie tant qu'il y a le sentiment le plus sécurisant au monde qui est l'amour!

Je vous embrasse, Marielle.


3 commentaires:

  1. Tes articles me coupent le souffle à chaque lecture. Je pense que vous avez eu la bonne attitude envers Isaac. J'aurais fait pareil. ❤️❤️❤️

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  2. Pas de mot,tout est dit.Amour ❤❤❤

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  3. Comme c'était bien écrit! J'ai souvent eu des frissons... Pas facile de gérer de telles interrogations avec un enfant de 4 ans mais comme d'habitude, vous l'avez fait avec beaucoup de courage, de force, de patience et surtout avec beaucoup d'amour.❤️ Isaac a été aussi courageux que son petit frère pour vivre ce combat! Vous êtes merveilleux tous les 4. Quant à toi ma jolie Marielle, quelle force tu as de pouvoir mettre des mots sur ce vécu, hors du commun...
    Maintenant, place aux moments de bonheur!✨
    Je vous embrasse depuis la Belgique.

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